Le monde du travail est en pleine évolution, induisant ainsi des transformations nécessaires dans la manière de l’appréhender. Depuis une vingtaine d’années, on entend parler de « stress au travail », et de manière plus large, de « risques psychosociaux ». Ceux-ci font partie des sujets majeurs de la qualité de vie au travail et de l’engagement collaborateur. Mais de quoi s’agit-il ?
Les risques psychosociaux (RPS) correspondent aux situations dans lesquelles la santé mentale ou physique des collaborateurs est mise en danger.
Le Ministère du Travail détermine que « les risques psychosociaux recouvrent des risques professionnels d’origine et de nature variées, qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et ont, par conséquent, un impact sur le bon fonctionnement des organisations ». En clair, les RPS représentent les risques pour la santé mentale, physique et sociale qui découlent des conditions de travail du salarié ainsi que de l’organisation et des relations au travail. Il n’y a donc aucun rapport avec des troubles ou pathologies déjà existantes chez un individu.
En France, 1 travailleur français sur 2 se sent stressé au moins une fois par semaine en entreprise. Apparu dans les années 2000, le terme RPS est venu s’ajouter et mettre à jour la notion de « stress au travail », qui ne représente qu’un symptôme parmi d’autres. Pour les entreprises, travailler sur les risques psychosociaux relève d’une démarche QVT et de bien-être au travail pour les collaborateurs.
Les RPS sont constitués par des situations de travail où l’on peut retrouver un ou plusieurs de ces paramètres :
Le stress, c’est-à-dire le déséquilibre entre les contraintes imposées par l’environnement professionnel et les ressources personnelles du collaborateur pour y faire face. Attention, si le stress momentané peut être source de productivité, quand la personne le subit et qu’il perdure, on le qualifie d’« inadapté » et il s’intègre aux RPS.
Les violences internes, qui concernent toute violence ou conflit ayant lieu entre des individus faisant partie de la même entreprise, avec ou sans rapport de hiérarchie. Il peut s’agir par exemple de propos désobligeants, humiliations, brimades, rumeurs, critiques injustifiées, harcèlement sexuel ou autre.
Les violences externes, concernent les insultes, menaces, incivilités voire agressions entre un collaborateur et une personne extérieure, par exemple dans le cas de contact avec du public ou une clientèle. On y classe également les violences « de prédation » type cambriolage ainsi que les actes de destruction ou de dégradation matériels volontaires.
Le Ministère du Travail y inclut également le syndrome d’épuisement professionnel (burnout) comme conséquence intrinsèque des RPS en général, qui doit donc faire l’objet de la même prévention.
En 2008, le Rapport Nasse-Légeron était remis au Ministère du Travail, portant sur les RPS dans le monde du travail. Depuis, le Rapport Gollac est venu le compléter en 2011 et fait aujourd’hui office de référence. Ces rapports mettent en avant 6 grands facteurs de risques psychosociaux :
Intensité et temps de travail : surcharge de travail, travail en horaire décalé
Exigences émotionnelles : contact avec la souffrance, peur
Manque d’autonomie dans le travail : ne pas pouvoir interrompre son travail, devoir interrompre une tâche pour une autre, impossibilité d’anticiper, monotonie
Mauvaise qualité des rapports sociaux au travail / rapports sociaux dégradés : mauvaises relations aux collègues, à la hiérarchie, manque de reconnaissance, sentiment d’injustice, absence de possibilités de parcours professionnel
Conflits de valeur : faire des choses que l’on désapprouve, qualité empêchée
Insécurité de la situation de travail : précarité de l’emploi, insécurité liée à des changements permanents ou à des réorganisations
Ces rapports mettent en lumière que ce qui constitue un RPS pour la santé n’est pas sa manifestation (les symptômes), mais son origine.
Le Ministère de l’Education Nationale, dans une campagne de prévention, a classé les RPS en plusieurs symptômes :
Les symptômes émotionnels : nervosité ou sensibilité accrues, crises de larmes ou de nerfs, angoisse, excitation, tristesse, sensation de mal-être, etc.
Les symptômes intellectuels : troubles de la concentration, oublis, erreurs, difficultés à prendre des initiatives ou des décisions, etc.
Les symptômes physiques : douleurs musculaires ou articulaires, troubles du sommeil, coliques, maux de tête ou de dos, perturbation de l’appétit ou de la digestion, sensations d’essoufflement ou d’oppression, sueurs inhabituelles, etc.
L’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail estime que les RPS sont responsables de la moitié des jours d’absence des salariés, et que le stress concerne la moitié des travailleurs européens. Mais comment peut-on les mesurer ?
Il existe aujourd’hui plusieurs modèles d’évaluation des RPS. On en compte deux principaux, utilisés sous formes de questionnaires soumis aux collaborateurs.
C’est un modèle que l’on appelle « job strain » (situation de travail tendue) ou « modèle demande-autonomie au travail ». Il définit plusieurs facteurs de risques sur le lieu de travail, qui, combinés, ont des effets néfastes sur la santé des collaborateurs :
Fortes exigences au travail ou demande psychologique : quantité de travail, intensité, travail morcelé
Faible contrôle sur son travail : peu de marges de manœuvre, de participation aux décisions à propos de l’organisation du travail, d’utilisation de ses compétences à bon escient
Faible soutien social : peu d’aide et/ou de reconnaissance au travail de la part des collègues ou de la hiérarchie
Ce modèle, validé en France par une enquête réalisée en 2017, définit un déséquilibre entre les fortes exigences et le manque d’autonomie du collaborateur, entraînant des rapports sociaux au travail dégradés. On compte en France 26.9% de salariés touchés par le job strain en 2020 : des chiffres en augmentation depuis 2003 tous secteurs d’activité confondus.
Il est présenté aux équipes sous forme de questionnaire évaluant trois dimensions de l’environnement psychosocial au travail : demande psychologique, latitude décisionnelle et soutien social. Il comporte initialement 26 questions et les réponses sont formulées comme telles : pas du tout d’accord, pas d’accord, d’accord, tout à fait d’accord, ce qui permet de noter entre 1 et 4.
Les scores sont ensuite calculés pour chacune des dimensions, ainsi que la valeur de la médiane des deux scores pour évaluer la moitié des salariés au-dessus du score, et celle en dessous. On parle de « job strain » dans le cas où la demande psychologique est supérieure à la médiane et la latitude décisionnelle inférieure : c’est une situation à risque pour la santé.
Ce modèle, aussi appelé « déséquilibre efforts-récompenses » émet l’hypothèse que des exigences élevées associées à une faible reconnaissance (qu’elle soit salariale, statutaire etc.) en retour créent une situation de travail délétère. Cela crée notamment une fragilité particulière chez les collaborateurs fortement investis qui se traduisent aussi bien émotionnellement que physiologiquement.
Souvent utilisé en complément du questionnaire de Karasek, il comprend à la fois une évaluation du rapport « efforts-récompense » (« effort-reward imbalance »). Il induit que le stress survient quand il y a déséquilibre entre les efforts d'un collaborateur et les récompenses qu'il reçoit. Le modèle Siegrist explore donc plusieurs dimensions psychosociales :
Les efforts extrinsèques : contraintes de temps, interruptions, responsabilité, charge physique, exigence croissante du travail
Les efforts intrinsèques : attitudes et motivations liées à un besoin de se dépasser, obtenir de l’approbation, contrôler une situation (surinvestissement dans le travail)
Les récompenses : salaire, reconnaissance matérielle, estime, perspectives d’évolution de carrière, sécurité de l’emploi
L’enquête RPS de Bleexo se base sur ces deux modèles d’analyse qui dominent les études épidémiologiques permettant d’identifier les facteurs de stress au travail. Nos questions Pulse couvrent une bonne partie du scope semblable au modèle de Karasek, mais à un plus large spectre afin de balayer le sujet le plus largement et précisément possible.
Mais comment les managers peuvent-ils diagnostiquer l’apparition de RPS chez leurs collaborateurs ? Voici quelques indicateurs :
C’est le nombre moyen de jours d’arrêt pour raison de santé par agent. Il peut s’agir de congés pour :
maladie ordinaire
congés longue maladie / congés longue durée
congés pour accidents du travail
congés pour maladie professionnelle
C’est ce qu’on appelle le « taux de rotation », soit le rapport entre le nombre de départs et l’effectif moyen employé par l’entreprise. L’effectif moyen est calculé en additionnant l’effectif physique à la fin de chaque mois de l’année n, le tout divisé par 12.
Il s’agit du taux de visite au médecin de prévention à la demande des collaborateurs. On compte généralement le nombre de demande de visite spontanée pour 100 agents.
Elle se traduit par le nombre d’actes de violence physique envers le personnel. Ils peuvent émaner :
du personnel, avec ou sans arrêt de travail
des usagers avec ou sans arrêt de travail
Pour 88% des Français, le bien-être au travail est synonyme de performance et de productivité, mais 55% des salariés pensent que rien n'est spécialement mis en place dans leur entreprise pour favoriser ce bien-être. Ainsi, comment faire pour diminuer les RPS ?
La directive-cadre européenne 89/391/CEE relative à la sécurité et à la santé au travail adoptée en 1989 marque un tournant pour l’amélioration des conditions de travail : elle garantit certaines conditions minimales de sécurité et de santé telles qu’un niveau égal de sécurité et de santé au profit des travailleurs ou encore le principe d’évaluation des risques ainsi que l’obligation de mettre en place des mesures de prévention.
De même, l’article L4121-1 du code du travail précise que l’employeur « prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Ces mesures comprennent :
Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail
Des actions d’information et de formation
La mise en place d’une organisation et des moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes
Les articles L4121-2 et 3 du code du travail impliquent que l’employeur doit évaluer les risques et mettre en œuvre les mesures prévues sur le fondement de 9 principes généraux de prévention :
Éviter les risques
Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités
Combattre les risques à la source
Adapter le travail à l’homme (conception des postes de travail, choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production)
Tenir compte de l’état d’évolution de la technique
Remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou moins
Planifier la prévention
Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité aux les mesures de protection individuelle
Donner les instructions appropriées aux collaborateurs
Les conséquences des RPS se traduisent pour le collaborateur par des pathologies diverses ou des accidents du travail qui sont parfois irréversibles. On note par exemple les troubles émotionnels, les troubles métaboliques, problèmes cardio-vasculaires, troubles musculo-squelettiques (TMS), les troubles anxio-dépressifs (qui peuvent conduire au suicide ou à la tentative de suicide).
Pour l’entreprise, les RPS ont plusieurs types de conséquences : les coûts directs et les coûts indirects.
Les coûts directs sont directement liés à la gestion des RPS. Ils représentent ce que coûtent financièrement les RPS à l’entreprises comme les cotisations, les indemnités salariales en cas de maladie, l’absentéisme ou encore la gestion administrative.
Les coûts indirects sont induits par les RPS mais sont plus difficilement quantifiables. On y classe par exemple les difficultés à remplacer le personnel ou recruter de nouveaux collaborateurs (coût de remplacement lié au turnover), la dégradation de la productivité, perte de qualité ou de capacité de production. Y sont également liés les mouvements sociaux ou procédures judiciaires.
En France, le coût annuel du mal-être au travail représente 2 à 3 milliards d'euros par an (INRS), un chiffre qui s’élève à 617 milliards d’euros pour l’Europe (Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail).
Pour l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, les bénéfices liés aux actions de prévention des RPS ont un rapport coût-efficacité plus que positif. D’après une étude portée par le projet européen Matrix, investir 1€ dans la prévention des RPS pourrait multiplier par 10 ses bienfaits et bénéfices. Ainsi, chaque euro dépensé serait largement rentabilisé : de 2.2 à 13.62€ de bénéfices dans les pays européens.
Si la prévention des RPS doit se concentrer sur l’humain et l’amélioration des conditions de travail, le retour sur investissement est véritablement positif. En effet, les conséquences d’une mauvaise gestion des RPS coûte cher et à l’entreprise et à la société, et par ricochet, une bonne prévention ainsi qu’une bonne gestion des risques joue un rôle important dans le bilan économique des entreprises, voire de la société d’une manière plus générale.
La prise en compte des risques psychosociaux est donc devenue aujourd’hui incontournable. Elle passe notamment par plusieurs types de préventions.
Action essentielle, elle permet de réduire les facteurs de stress professionnels. Elle a pour but d’éliminer les facteurs de risques à la source, en agissant sur 4 axes :
L‘organisation du travail et des processus
La gestion des ressources humaines
Les styles managériaux
La conduite du changement
Elle concerne ce qui peut être fait pour aider les collaborateurs à mieux faire face aux facteurs de risques. Il s’agit de mieux armer les salariés pour mieux faire face aux situations stressantes et mieux gérer leur propre stress. C’est une prévention « corrective » qui vise à limiter les conséquences des RPS sur les individus présentant déjà de symptômes.
C’est le dernier niveau de prévention mais il peut permettre d’engager une réflexion pour l’entreprise. La prévention tertiaire concerne les collaborateurs déjà atteints par les RPS afin que leur état ne s’aggrave pas. Cela peut se traduire par exemple par la mise en place de cellules de soutien psychologique en cas d’incident critique (mal-être important), comme actes de réparation de la souffrance des équipes concernées.
Les RPS freinent donc l’évolution des collaborateurs au sein d’une entreprise. Pour aider ces collaborateurs et réduire les RPS, il existe plusieurs types de solutions. Comment agir concrètement pour lutter contre les RPS et quels leviers actionner ? Les solutions diffèrent évidemment selon les entreprises, mais on peut placer au centre une démarche de prévention collective centrée sur l'organisation du travail.
La culture d’entreprise affirme ses objectifs par les valeurs et les convictions. C’est un des premiers leviers pour prévenir les RPS. Pourquoi ? En déployant une culture d’entreprise centrée autour de la reconnaissance positive, de l’alignement sur les valeurs, du feedback, de la transparence et de l’écoute attentive, vous placez vos équipes au cœur de vos préoccupations.
Lorsqu’une entreprise a entamé une réflexion sur le sens au travail, développe une vision dans laquelle ses collaborateurs comprennent leur rôle et leur valeur, elle favorise l’engagement collaborateur et sa démarche de QVT. Ce sont des enjeux complémentaires à la prévention et aux actions pour lutter contre les RPS.
Les managers sont les premiers à être au contact des équipes et donc à les observer. Former les managers sur les différents symptômes des RPS apparaît comme une étape essentielle dans la prévention contre les RPS. Mais ces observations doivent être accompagnées d’actions, car mieux les risques sont identifiés, plus il est facile de les traiter. Le manager peut par exemple mettre en place des actions pour lutter contre l’isolement, favoriser les interactions entre collaborateurs, valoriser, soutenir et autonomiser le travail et les accomplissements de chacun. Lorsque les RPS sont diagnostiqués, il peut mettre des actions en place comme des changements de processus, de communication en interne par exemple.
Attention cependant à ne pas laisser reposer toute la stratégie de prévention RPS sur les épaules des managers. En effet, ils font également partie des collaborateurs qui peuvent souffrir des risques psychosociaux : la prévention et les solutions doivent donc relever d’une action collective menée par l'entreprise.
Observer les conditions de travail sur le terrain, développer une culture du feedback spontané, un climat de confiance et de partage… c’est le préambule des actions concrètes que l’on peut mettre en place grâce à des outils d'enquêtes ! Prendre régulièrement le pouls de ses équipes est la première étape pour suivre l’évolution de leurs retours sur leur bien-être au travail.
Avec les outils Bleexo comme l’enquête Pulse, le 360° Feedback ou encore les enquêtes RPS, vous disposez de feedbacks spontanés et constructifs, concrets et qualitatifs pour mesurer les ressentis de vos collaborateurs. Ajustables à chaque entreprise, ces outils permettent de répondre à des thématiques précises afin de mettre en évidence les attentes de vos équipes et leurs positions, qu’elles soient positives ou négatives, afin de faire avancer l’entreprise et d’avoir une vue d’ensemble. Bleexo équipe ainsi des organisations comme la vôtre, notamment pour améliorer le niveau de collaboration et d’engagement de vos équipes : une stratégie qui permet de lutter en amont contre les RPS et de les prendre en compte dans démarche de transformation et de la modernisation de l’entreprise et des processus RH.